Les 5 raisons qui expliquent le mouvement des gilets jaunes

Les 5 raisons qui expliquent le mouvement des gilets jaunes

On commence à avoir une idée assez claire du profil sociologique des “gilets jaunes“. Il s’agit de personnes ayant un emploi, mais faiblement rémunéré (ouvriers, employés) ou dont les revenus peuvent être volatils (petits indépendants, agriculteurs), ou encore des retraités percevant de petites pensions de retraite. Ils ont aussi pour caractéristique commune de vivre dans le périurbain, des petites villes ou le monde rural.

Plus largement, les gilets jaunes correspondent aux catégories sociales qui ne peuvent, ou ne veulent plus suivre dans un monde largement façonné par les préférences, les intérêts, les besoins et les valeurs des plus aisés et/ou des plus qualifiés. Différentes mutations ont, en effet, contribué à élever le coût d’accès à certaines ressources auxquelles elles pouvaient avoir accès par le passé, comme par exemple le logement dans les grandes agglomérations ou les emplois bien rémunérés désormais uniquement accessibles aux Bac+5 maîtrisant couramment l’anglais. Cela a donc favorisé une forme d’écrémage social dont elles ont été les grandes victimes.

La première de ces mutations correspond bien évidemment à l’évolution économique et technologique. Les catégories sociales incarnées par les gilets jaunes n’ont quasiment plus accès à des emplois stables et bien rémunérés et ne peuvent plus résider là où la richesse se crée.

La théorie économique stipule que l’ouverture économique dans les pays développés est préjudiciable aux intérêts des catégories peu ou pas qualifiées. Or, il est évident que les catégories populaires (ouvriers, employés) ont globalement pâti de la mondialisation qui a contribué à accroître leur insécurité économique et sociale, en accélérant la désindustrialisation dans les pays développés et en les mettant en concurrence avec des travailleurs de pays à bas coût de main-d’œuvre. Les agriculteurs estiment être eux aussi des victimes de l’ouverture des marchés face à une concurrence qu’ils jugent largement faussée. Les individus appartenant à ces catégories considèrent par conséquent qu’ils ont été sacrifiés au nom de la nécessité de s’adapter aux contraintes de la mondialisation. Ils en concluent qu’ils sont désormais inutiles au regard de la nouvelle donne économique (globalisation, tertiairisation et digitalisation de l’économie, monde des start up, etc.).

La seconde mutation est d’ordre territorial. Les gilets jaunes en tant que catégorie sociale ne peuvent quasiment plus résider dans les grandes agglomérations à partir du moment où le prix des logements et des loyers y a augmenté de façon importante et devient exorbitant.

Ils ont également cherché à fuir les nuisances, ou ce qu’ils percevaient comme telles, des grandes villes et des banlieues pour s’installer dans des zones périurbaines ou même le monde rural. Les cartes de France établies par le démographe Hervé Le Bras sont frappantes de ce point de vue. On voit bien que les catégories supérieures sont surreprésentées dans les principales agglomérations, alors que les ouvriers y sont sous-représentés. Cela conduit à une double sanction: ces catégories ne bénéficient plus des services que l’on peut trouver dans les métropoles et en plus, on les dénigre en les accusant de vivre dans une “France moche“, à savoir cette France américanisée des zones d’activité commerciale et des lotissements.

La troisième mutation est de nature culturelle. Les gilets jaunes correspondent à une partie de la population qui ne semble plus suivre l’évolution culturelle véhiculée par une partie des élites autour des valeurs du libéralisme culturel.

D’une manière ou d’une autre, ils ont le sentiment de ne plus pouvoir vivre là où les choses se passent (grandes agglomérations), de ne plus appartenir au cœur même de la société (classes moyennes) et de ne plus se reconnaître dans les valeurs dominantes de cette société (libéralisme culturel) en étant souvent décrits par une partie des élites comme misogynes, xénophobes, fermés, protectionnistes ou nationalistes. L’un des grands symboles récents de cette vision a été incarné par le rapport de Terranova suggérant à la gauche de ne plus nécessairement chercher à recueillir les suffrages du monde ouvrier et de former une nouvelle coalition électorale basée sur “la France de demain”, à savoir les diplômés, les jeunes, les minorités et les quartiers populaires et les femmes. Cela signifie donc a contrario que les non diplômés, les âgés, les majorités et les hommes représentent la France d’hier, ce qui n’est pas sans rappeler la phrase récente de Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, faisant référence “aux gars qui fument des clopes et roulent en diesel. Ça n’est pas la France du XXIe siècle que nous voulons”.

La quatrième mutation est d’ordre politique. Les gilets jaunes ne suivent plus là non plus. Ils ne croient plus en la politique. Ils estiment ne plus être représentés par les partis politiques de gouvernement. Ils ne peuvent en conséquence plus espérer que leurs préférences influencent les politiques menées par un gouvernement. Ils tendent donc sans aucun doute à se réfugier soit dans l’abstention, soit dans le vote pour des partis périphériques, en particulier le Rassemblement national.

Enfin, la cinquième mutation, sans doute la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, est de nature écologique. Elle se concentre en particulier sur la voiture et l’alimentation. Ces catégories ne peuvent plus suivre, en effet, les mots d’ordre consistant à se passer des déplacements en automobile à moteur thermique et à privilégier une alimentation bio. Les gilets jaunes ont montré qu’il existait dans le pays une fracture écologique et même que, comme le disait Christophe Guilluy, “la défense de l’écologie comme la promotion de la “société ouverte” est devenue un outil de distinction sociale”. Le sondeur Brice Teinturier affirme ainsi dans Marianne qu’il existe une “cassure nette, dans les enquêtes d’opinion, entre ceux qui veulent plus de vert dans leur vie et ceux qui ne parviennent pas à boucler leur fin de mois”, c’est-à-dire entre, d’une part, les CSP+, les moins de 35 ans et les personnes vivant dans des métropoles et, d’autre part, les CSP-, les 25-55 ans et les individus vivant dans des villes moyennes ou en milieu rural. On observe une même cassure à propos de l’alimentation comme le montrent les résultats d’une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiée en 2017. Lorsque l’on compare les résultats entre les individus ayant un niveau d’étude primaire/collège et les Bac+4 et plus, on s’aperçoit que les premiers privilégient les prix (20 points de différence) et les offres promotionnelles ponctuelles (11 points), tandis que les seconds attachent une grande importance au mode de production (14 points de différence) et aux signes de qualité (13 points). En clair, l’ensemble des Français n’a pas les moyens de pouvoir passer à l’électrique pour se déplacer et au bio pour se nourrir.

Ces différentes évolutions apparaissent ainsi pour les gilets jaunes comme avantageant les “privilégiés” et s’effectuant au détriment de leurs intérêts et de leurs valeurs car elles sont autant de facteurs pour eux de relégation et de marginalisation économiques, sociales, territoriales, culturelles ou politiques. Le mouvement des gilets jaunes montre donc que l’on en est loin, très loin, de la réconciliation des deux France qui s’étaient affrontées au second tour de la présidentielle, comme s’y était pourtant engagé Emmanuel Macron.

https://www.huffingtonpost.fr/eddy-fougier/les-5-raisons-qui-expliquent-le-mouvement-des-gilets-jaunes_a_23602331/



Categorie:Uncategorized

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